Principe de dignité versus Principe de liberté

Publié le par Julie Deborde

Selon la DUDH de 1948 « tous les humains naissent libres et égaux en dignité et en droit ». Plus près dans le temps, la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne signée à Nice en 2000 proclame dans son article 1 que « la dignité humaine est inviolable ». Dans son rapport explicatif, il y est précisé que « la dignité n’est pas seulement un droit mais constitue la base de tous les droits fondamentaux ».C’est la marque d’une tradition humaniste des droits de l’homme.

 

Cela exprime deux idées ; d’une part, le seul fait d’être homme confère une dignité et d’autre part, il existe une égale dignité entre hommes et femmes. Dans la grande majorité des pays de l’Union européenne, après la seconde guerre mondiale, le principe de dignité est consacré de manière constitutionnelle mais si on regarde la France, elle se singularise puisque ce n’est qu’indirectement et tardivement qu’il va être garanti.  C’est le Conseil constitutionnel qui va, dans sa jurisprudence de 1994, le consacrer.

 

A l’origine, le principe de dignité permet à l’individu d’opposer à des tiers ou à la société des droits pour en obtenir leur pleine effectivité. Cependant, depuis une quinzaine d’années, on observe une multiplication d’usages juridiques très différents.  Il sert non plus à fonder des droits de l’individu mais il est devenu la base juridique permettant de lui opposer des devoirs. Un premier exemple est l’affaire du lancer de nains dans laquelle un maire a pu interdire, contre le gré d’une personne de petite taille, le lancer de nain car cette activité portait atteinte à la « dignité de la personne humaine » et troublait l'ordre public (CE Ass. 27 oct. 1995 Commune de Morsang sur Orge).

 

Ensuite, depuis 1994, avec l’adoption des lois de bioéthique, le code civil s’est vu adjoindre un Titre nouveau « Du respect du corps humain » (article 16 à 16-10 qui règlent tous les principes de consentement). L’article 16-3 cciv en particulier fonde juridiquement une exigence de consentement  préalablement à tout acte médical. Malgré cela, le principe de dignité vient ici se heurter au principe d’intégrité du corps humain ce qui a pour conséquence que l’acte de refus en lui-même constitue une illégalité… 

 

Ce sont les affaires liées aux refus des transfusions sanguines par les témoins de Jéhovah (CAA Paris 9 juin 1998). Il y a donc une subversion juridique du principe de dignité qui peut être désormais compris comme étant l’antonyme du principe de liberté.

 

Dans des problématiques plus actuelles, le débat sur l’euthanasie ou encore celui sur l’hébergement obligatoire des SDF, sont symptomatiques du renversement conceptuel du principe. Ces usages du principe de dignité en ont fait une notion porteuse de devoirs, d’obligations, de prohibitions. Ces obligations concernent non seulement les tiers ou plus généralement la société, mais aussi l’individu lui-même.

 

Nous avons désormais l’obligation de respecter notre propre dignité. Cette justification s’effectue par le biais d’une référence à la notion d’humanité dont chacun serait le dépositaire et non le propriétaire. 

Publié dans Précarité

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